Katerine : les Créatures et l’homme à trois mains

Beaucoup vont détester ce fascinant et double album de Monsieur Katerine, et ce n'est pas le moins qu'on puisse lui souhaiter. Un opus pareil ne peut pas laisser indifférent. Les mots dérangent pas mal mais ce ne sont que des mots, et les bruits sont extravagants et ne prennent pas de gants. Parce que Katerine fait du bruit dans sa musique, comme d'autres se défoulent en courant derrière une balle.

Ces chansons sont vilaines et délicates, teintées d'un humour noir d'encre, et propulsée par de grandes et belles envolées de méchanceté à l'état pur. Le morceau intitulé « L'idiot » sur le disque l'homme à 3 mains est à ce titre un bijou de mépris et de haine, souligné par un ton ironique fort à propos. Les accords déglingués de la guitare sont portés comme des coups de griffes à nos oreilles, avec une violence crue et sèche. Ce n'est pas un disque mielleux, loin s'en faut. Encore que la première galette, celle où se tapissent les créatures, soit plus rythmée et chaleureuse.

On y trouve des chansons très finement orchestrées et livrées à des textes décalés (mais pas nécessairement hilarants) , comme celui du morceau intitulé singulièrement poulet n° 728 120, qui raconte le parcours d'un de ces volatiles acheté par l'auteur et qui, apparemment, lui aurait inspiré la chanson que voilà. Katerine se meut avec aisance dans un genre que l'on pourrait qualifier, soyons fous, d' « easy-listening orchestral français », encore que sur les arrangements le ton est résolument plus moderne qu'auparavant, voire un peu mâtiné « french touch ».

Le petit Philippe, comme il s'appelle lui même, très inspiré on le sait par Madame Brigitte Fontaine, a pris sur ce dernier album le parti pris de l'autobiographie brute de décoffrage. Il nous livre très sèchement par exemple, dans le titre « j'ai 30 ans », une édifiante liste de choses qu'il n'a pas faite, égrenée d'un ton un rien agacé et ironique, dénonçant probablement le temps après lequel on court pour tenter toujours d'être à la page. L'impression générale qui se dégage de tout ceci est que Katerine, qui comme chacun le sait, nous emmerde (« je vous emmerde », le single s'il en fallait un) avec une classe et une insouciance émouvante. Ou effrayante.

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