Une question qui claque dans le vent glacé, non ?
Alors ayons le courage des oiseaux et posons nous la question, voulez-vous ? A vrai dire cela fait quelques jours que je ne blogue plus beaucoup par ici du fait de mille occupations à forte tendance SEO. Et paf, ce matin je reçois un mail pas commun du camarade Olivier qui me dit en quelques mots sont désappointement ...
je suis désolé, jeune homme, mais votre faconde de la toile n'est qu'une compilation de celle des autres.. Comme beaucoup, votre site n'exprime que le résultat de compil , d'exégèse, de transcriptions d'autrui... Rien de personnel et d'original..
Autant le dire tout net : je n'ai pas aimé cet email et il m'a un peu brisé les appendices ; cela dit je suis passé à autre chose et la journée fut studieuse. Maintenant que la nuit tombe sur la Dordogne éternelle et que le feu va se mettre à crépiter dans la cheminée, j'ai eu le temps de digérer le truc. A savoir une analyse à l'arrache comme d'habitude sur ce qui me chagrine dans cette accusation. Oui, car je suis suffisamment boursouflé par mon égo pour y voir une critique ouverte. On est blogueur ou on ne l'est pas, diantre !
Historiquement, oui : presque en tous cas. Un weblog c'est log (enregistrement) du web (la toile) ; c'est avant tout un partage de liens. Les tous premiers blogs de nos camarades étasuniens étaient donc avant tout des revues de lien avec un court commentaire. Puis on est passé à l'aspect journal intime, puis au capharnaüm ambiant actuel. C'est donc ça la blogosphère : du partage de choses qui existent déjà par elles-même. Je n'hésite d'ailleurs pas à employer le terme en vogue dans cette contrée du web : le verbe relayer ... pour passer au voisin. C'est parfois du gros buzz qui tâche et parfois ce sont mes réflexions sur les bienfaits méconnus des commentaires sournois ...
La seconde partie de la missive est toutefois la plus douloureuse : le vengeur masqué des espaces numériques porte un jugement sans appel : je ne suis pas original. Pourtant je ne tombe pas dans les clichés maintes fois énoncés en ces pages. Je ne suis pas sur le terrain bien entendu car je ne suis plus journaliste : c'était dans ma jeunesse à une heure où le web balbutiait sévère. Bref le gars n'a pas tort : je fait dans le commentaire. Comme bon nombre d'éditorialistes. Et j'y apporte mon regard avec, je pense, des positions pas si consensuelles que ça. Un exemple parmi tant d'autres, la gestion de la vie privée sur Facebook ne m'écorche pas un orteil : on est loin de la propagation alarmiste qui fait consensus sur le sujet.
Alors depuis plus de deux ans, j'ai relayé des tas de choses sur mes pages, de la pire campagne virale à de très belles idées comme celles par exemple de l'inconnu du métro et ses portraits sensibles, les idéaux d'un web plus humain de Monique Brunel ou encore les anticipations heureuses d'Alexis et sa bande ... Il y en a ainsi des tas. Aller au devant de toutes ces personnes et leur poser des questions bien pesées c'est aussi ma manière de partager. Je ne me suis pas contenté de copier/coller. Voilà pour ma défense, mais revenons au fond du problème : ce sera simple car je l'ai déjà survolé à travers ce que j'ai appelé la ruée ...
Et mon analyse à chaud du moment sera que la blogosphère francophone est justement en train d'ajuster le tir. Depuis les effets collatéraux du panda vengeur et de la valse continue des algorithmes, la qualité a fleuri partout. Les gros blogs divertissement de notre sphère ont considérablement étoffés leurs textes. Ce n'est pas encore du Verlaine mais ce n'est vraiment pas ce qu'on demande au web. Il suffit de temps à autres d'ouvrir un livre pour faire le grand écart : il y a le monde de l'écran et celui du livre.
D'ailleurs bon nombre de blogueurs bien plus littéraires que moi dans leur prose ont fini par compiler leurs billets pour en distiller la synthèse à travers le livre. En plus de deux ans de blogging assez dense, je n'avais encore jamais reçu pareil email. Des relations presse enjouées gonflées à l'influence oui, mais un jugement pur et dur de ma manière de vous causer ici, jamais. Et en fait ça fait vraiment du bien de se remettre en question : dans une écologie numérique plus vaste, chaque blogueur est désormais suspendu à un risque plus fort que la chute du trafic : celui d'être devenu aussi plat et inconsistant qu'une timeline Facebook. De la sincérité, des idées et de l'opinion, voilà qui nourrit mieux la cervelle que des brassées de j'aime ... le reste n'est que littérature ! :)